Chaque histoire est unique, inscrite dans une vie familiale personnelle, mais cette page peut vous apporter des éléments de réflexion face aux grandes questions que l’on se pose tous dans ces situations.
Le témoignage d’un médecin, maman endeuillée.
Pourquoi est-ce que les équipes médicales ne me parlent pas de la possibilité de poursuivre ma grossesse ?
Tout d’abord il faut souligner que l’idée d’introduire une démarche de soins palliatifs en maternité est très récente : les soignants n’ont donc pas tous forcément les informations nécessaires. De fait, certains professionnels, qui sont souvent eux-mêmes parents, peuvent avoir le sentiment qu’il serait moins douloureux d’interrompre une grossesse de ce type plutôt que de la continuer ; aussi ils ne veulent pas faire souffrir les parents en abordant ce sujet. D’autres peuvent penser qu’aller au bout de la grossesse et de l’accompagnement serait une forme de déni de la part des parents, alors qu’il s’agit en fait de regarder la situation différemment. Enfin, dans le cas d’une malformation découverte très tôt, certains ne considèrent pas le fœtus déjà comme un enfant, au contraire de ce que peuvent ressentir les parents.
Est-ce que c’est compliqué ?
La grossesse se déroule comme une autre grossesse, avec les examens habituels pour suivre l’évolution du bébé. En cas de complications, elles peuvent être prises en charge, comme pour toute grossesse. D’autres rendez-vous servent à préparer l’accouchement et la naissance, en lien avec les souhaits des parents : pour en savoir plus, consulter la rubrique « Poursuivre sa grossesse ».
Néanmoins, cette grossesse est particulière, source d’émotions bouleversantes qui peuvent nécessiter un accompagnement rapproché par le médecin et/ou par un psychologue pour aider la maman. La présence suivie d’une sage-femme est aussi très aidant.
Si je poursuis ma grossesse, est-ce que mon bébé va souffrir dans mon ventre ?
Avant 26 semaines d’aménorrhée, peut-être un peu plus tôt, l’enfant à naître ne peut pas percevoir de phénomène douloureux, du fait de l’immaturité de ses connexions nerveuses. Après le stade des 26 SA, il a été constaté que l’enfant in utero pouvait ressentir une certaine douleur à l’occasion de prélèvements ou d’interventions : aujourd’hui les médecins savent prendre en charge ces perceptions douloureuses.
Dans les cas de diagnostic d’une maladie entraînant à plus ou moins court terme le décès du bébé,les anomalies chromosomiques et les malformations majeures des organes ne sont pas à l’origine de phénomènes douloureux. Avec l’échographie, on pourra suivre l’évolution de l’enfant in utero et apprécier son bien-être pendant toute la grossesse.
A ce sujet, voir l’interview du Professeur Véronique Debarge, gynécologue-obstétricienne au CHU de Lille, dans la Lettre annuelle 2015, en pages 2 et 3 :
Lettre annuelle d’informations – Janvier 2015
Est-ce qu’il va souffrir lors de l’accouchement ?
Comme tout enfant normal qui doit naître, il va sentir un certain stress qui lui fera produire une hormone nécessaire à l’adaptation de ses poumons à l’air libre ! Il ne faut pas comprendre l’expression médicale «souffrance fœtale », souvent utilisée au moment de l’accouchement, comme l’expression d’une douleur physique ; elle signifie dans le langage médical que le cerveau de l’enfant ne reçoit plus assez d’oxygène et qu’il faut alors intervenir en urgence ; en aucun cas, elle ne veut indiquer une sensation de douleur. De toutes les façons, chaque situation sera analysée au cas par cas et l’accouchement sera envisagé de la manière la plus appropriée possible.
Est-ce qu’il va souffrir après ?
Les méthodes d’évaluation de la douleur chez le nouveau-né sont totalement au point : elles sont fondées sur l’utilisation d’une grille d’évaluation, reposant sur l’analyse de la posture et des mimiques du bébé. Il existe aujourd’hui tous les moyens thérapeutiques de prendre en charge une éventuelle douleur ou tout simplement le stress du bébé, après sa naissance. Il est donc faux de laisser planer le moindre doute là-dessus. Dans de nombreux cas, du fait de sa fragilité, l’enfant décède doucement, comme en s’endormant.
Vais-je avoir le courage de vivre toute ma grossesse en sachant qu’il va mourir ?
Tout enfant à naître est potentiellement une personne qui, un jour, va mourir. Simplement, les parents pour lesquels la grossesse se passe bien ne sont pas obligés de se rendre compte de cette réalité. Cette idée est très dure, peut être choquante. Mais elle peut aider à « relativiser ». Effectivement, l’enfant va mourir bien plus tôt que d’autres. Cependant, il aura vécu toute sa vie, aussi courte soit-elle. Attendre un bébé dont on sait qu’il va mourir très prochainement n’est pas simple, c’est une source de souffrance évidente, comme cela serait le cas pour un autre enfant déjà grand. Mais on peut le vivre dans la sérénité et l’amour si on est entouré et soutenu par une équipe médicale compréhensive.
Interrompre ma grossesse, est-ce que ça ne me permettrait pas d’éviter de souffrir inutilement, ainsi que pour ma famille ?
On peut penser, à première vue, qu’interrompre sa grossesse permettrait d’arrêter la douleur et il est vrai que ça peut, en partie, être le cas pour certains. Il faut pourtant noter que les familles qui ont décidé d’interrompre leur grossesse témoignent à peu près toutes de la même douleur : elles ont perdu un enfant. Elles peuvent aussi avoir à vivre un sentiment de culpabilité dans leur deuil, sans anticiper ce qui peut devenir un autre point sensible par la suite : la non reconnaissance de leur enfant par l’entourage et la société pour qui cet enfant n’a pas vraiment « existé ». Les parents qui accompagnent leur enfant dans une démarche de soins palliatifs ne vivent pas cette non-reconnaissance. Bien sûr, ils partagent la même douleur, celle du décès de l’enfant mais ils ont une forme de « consolation » dans les souvenirs de moments de vie partagés et le sentiment d’avoir été au bout de leur chemin de parents .
Pour les parents qui souhaitent davantage d’informations sur l’interruption médicale de grossesse, il est conseillé de consulter le site de l’association Petite Emilie. Site Internet : http://www.petiteemilie.org
Face à l’annonce anténatale d’une maladie potentiellement létale pour l’enfant à naitre, lire le témoignage du Professeur Christophe Vayssière, gynécologue-obstétricien au CHU de Toulouse, en page 4 de la Lettre annuelle 2014 :
Lettre annuelle d’informations – Janvier 2014
Poursuivre sa grossesse ne serait-il pas une façon de reculer l’échéance, de reporter la réalité et le deuil à plus tard, autrement dit, une manière de se voiler la face ?
Envisager une démarche d’accompagnement de celui qui va mourir n’est pas une démarche morbide, ni un déni de la réalité. C’est ce que nous disent ceux qui travaillent, comme bénévoles ou soignants, dans des unités de soins palliatifs. C’est une façon différente d’envisager la fin de vie et le rapport à la mort. Les parents qui ont décidé de continuer une grossesse dans ce contexte-là ont réfléchi ainsi : « Mon fils aîné est vivant. S’il tombait gravement malade, je l’accompagnerais simplement jusqu’au bout. Et bien là aussi, même si cet enfant n’est que dans mon ventre, il n’en a pas moins de valeur pour que j’agisse différemment. »
Comment pourrai-je affronter mes collègues de travail, répondre aux gens qui verront mon ventre et me poseront, avec un grand sourire aux lèvres, les questions habituelles quand tout se passe bien ?
Ces questions sont difficiles à affronter. Suivant les interlocuteurs, les moments et les situations, les parents peuvent avoir envie de dire la vérité complète ou de la taire, car leur expérience est tellement particulière et personnelle, qu’ils ne souhaitent pas forcément la partager avec tous.Certains ne pourront pas comprendre mais on peut être surpris par la capacité inattendue que d’autres vont manifester dans l’écoute et le soutien.
Il n’y a donc pas de réponse absolue, c’est plutôt s’adapter au cas par cas, à la fois en fonction de l’état dans lequel on se trouve, mais aussi dans l’évaluation de la capacité de l’autre à bien réagir. Il est important cependant pour faire face le mieux possible à la douleur et à la gêne que génèrent classiquement ces questions, d’éliminer toute trace de honte et/ou de culpabilité potentielles, grands polluants de ce type de situation. Il faut garder présent à l’esprit que si les autres nous apparaissent alors comme des agresseurs, c’est parfois malgré eux, qu’il ne s’agit pas de « se justifier » auprès d’eux mais bien d’annoncer une grossesse comme une autre au cours de laquelle on accompagne un enfant malade.
Que vais-je pouvoir dire à ses frères et sœurs ?
La vérité, dite avec des mots simples, différents suivant les âges, est la meilleure des solutions. Dire que leur petit frère/sœur est très malade, qu’il ne va pas vivre longtemps, mais qu’ils peuvent dès maintenant partager des moments avec lui /elle. Il est important de répondre à toutes les questions qu’ils peuvent se poser, chacun à leur niveau, avec leur âge, sans créer de « secret de famille » mauvais pour tous. Eux aussi auront un deuil à construire et créer des souvenirs avec la fratrie va aider à l’élaboration de ce deuil.
Que vais-je dire à ma famille et à mes amis ?
Comme à la fratrie, la vérité, pour les mêmes raisons. Là aussi, comme dans l’entourage professionnel, tout le monde ne sera pas au même niveau d’écoute, de compréhension, de délicatesse. Les personnes se révèlent souvent face aux grandes épreuves de la vie et cela en est une.L’important est alors de trouver quelques membres de son entourage et pouvoir leur dire très simplement : « J’ai besoin de toi ».
Cela semble insurmontable au papa…
C’est assez fréquent, surtout en début de grossesse, qu’un papa ait du mal à s’investir dans l’arrivée d’un enfant. Alors dans un contexte pareil, cela peut lui sembler encore plus difficile, voire inutile, en tout cas trop douloureux. Il peut manifester de l’incompréhension, une relative neutralité(« Fais ce que tu veux ») ou de l’indifférence.
Peu à peu, en parlant à cœur ouvert avec lui, il pourra réaliser que c’est aussi son enfant, qu’il a aussi sa place pour l’accompagner et qu’il aura un deuil à vivre, pour se reconstruire après. Pendant la grossesse, par des séances d’haptonomie, il peut partager ces temps de vie du bébé ; et à la naissance, prendre son fils/fille vivant dans ses bras peut être un moment inoubliable dans sa vie de père.
Lire le témoignage de Guillaume dans : La petite Gabi et ses parents